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Reportage

« Asmerom nous a convaincus grâce à toutes ses qualités »

Un des premiers bénéficiaires du programme InVaud au sein d’Insertion Vaud est en train de terminer sa première année d’apprentissage d’aide menuisier en voie AFP. Ses patrons, M. et Mme Duruz à Ecublens, ne tarissent pas d’éloges.

©Insertion Vaud

Le matin, Asmerom Habtemariam apprécie se promener seul en forêt. Etre matinal, aimer le bois et ne pas rechercher la foule sont trois signes qui confirment que l’apprenti est parfaitement à sa place dans la menuiserie de M. et Mme Duruz, petite entreprise de six employés à Ecublens.

Ses premiers pas dans le métier ont démarré avec un stage de trois mois en 2017, au cours duquel le jeune Erythréen, alors requérant d’asile, a impressionné ses futurs employeurs par son envie d’apprendre. « Il était ponctuel, à l’écoute, agréable, souriant », se souvient Marie-Reine Duruz. La patronne ne cache pas qu’au départ, elle et son mari avaient l’intention de n’engager que des Suisses : « Nous voulions rester proches de notre région, tant pour l’origine du bois que pour celle des employés. Mais nous avons eu plusieurs désillusions avec des gens qui demandaient beaucoup mais faisaient très peu. »

Un gros potentiel

Comment, dans ces conditions, la coach d’Asmerom a-t-elle fait pour convaincre le couple d’offrir une chance au stagiaire, jusqu’à lui proposer un préapprentissage puis une place d’apprenti ? « Ce n’est pas elle qui nous a convaincus, c’est lui ! Il en veut et évolue sans arrêt », répond Mme Duruz. Son mari confirme : « Le premier jour, en voyant comment il tenait les outils, j’ai eu des doutes sur ses capacités manuelles, mais j’ai vu tout de suite qu’il comprenait vite. On sent qu’il a un gros potentiel. »

Arrivé en Suisse en juillet 2016, le jeune migrant, alors âgé de 22 ans, a intégré le programme InVaud à son démarrage, en décembre de la même année. En février 2017, il commence une mesure auprès d’un organisme membre d’Insertion Vaud, au cours de laquelle il fait un premier stage de peintre, qui ne lui convient pas. La mécanique ou la menuiserie l’attiraient davantage, alors sa coach s’est mise en chasse d’un stage dans ces deux domaines. « Sans elle, je n’aurais jamais trouvé », estime le jeune homme, pour qui les difficultés principales en Suisse ont été de chercher du travail et d’apprendre le français.

Asmerom est « volontaire et avide d’apprendre », évalue son patron : « Récemment, aux cours interentreprises, il s’est retrouvé en deuxième place à un test, et il n’était pas content. Il aurait voulu être le premier ! Maintenant il veut passer son permis de conduire, alors il nous pose plein de questions. » M. et Mme Duruz apprécient aussi l’intérêt du jeune homme à s’adapter aux coutumes locales : « Si son bus a 5 minutes de retard, il nous prévient. Quand il voit quelque chose qui l’étonne, il demande. » Les deux époux invitent régulièrement leur apprenti à manger. De temps en temps, leur fille lui donne des cours de français. Et ils le poussent à viser le CFC une fois qu’il aura obtenu son AFP, dans une année si tout va bien.

Hâte de gagner plus

Or le projet de CFC n’emballe qu’à moitié le jeune réfugié, dont le permis B est arrivé début 2018. Pas par manque d’ambition, mais parce qu’il a hâte de gagner plus : « On verra… L’année passée, j’ai failli tout arrêter pour chercher un travail mieux payé. Mon père était malade et je voulais envoyer de l’argent chez moi pour les médicaments. Mais ma coach et mes patrons m’ont convaincu de poursuivre l’apprentissage. Ils sont très gentils, et je suis très content ici. Dans une entreprise plus grande, j’apprendrais sûrement moins de choses. Mais pour avoir le CFC, il me faudrait encore trois ans de plus. C’est long… »

En attendant, Asmerom passe ses soirées et ses week-ends à s’activer pour progresser : « Je n’aime pas rester à la maison à ne rien faire. Alors je vais à la bibliothèque pour faire mes devoirs ou des recherches sur Internet. Je lis surtout des articles pour savoir comment trouver du travail, ou alors des histoires vraies. »

Des histoires, il en aurait lui-même beaucoup à raconter, lui qui a mis deux ans pour parvenir d’Erythrée jusqu’en Suisse. Parfois il en confie quelques bribes à ses employeurs. Des souvenirs de morts dans le désert soudanais. Mais aussi des souvenirs heureux de son enfance, à construire des meubles en bois avec son père. D’où la vocation… Les yeux de ses patrons menuisiers se mettent à briller. « Nous sommes vraiment fiers de lui », disent-ils, comme s’ils parlaient d’un fils.

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